Aux Foudres HSE, plus que quelques jours avant le décrochage, le 15 juin 2023, de l’exposition de Robert Charlotte
Aux Foudres HSE, plus que quelques jours avant le décrochage, le 15 juin 2023, de l’exposition de Robert Charlotte
J’ai découvert le village de Canaries en 2000, lorsque j’étais en repérages durant un court séjour sur l’île de Sainte-Lucie pour mon livre « Cases en pays-mêlés ».
L’intuition de Canaries
Cette première approche fut aussi rapide que déterminante. Tandis que je me promenais dans les rues, j’aperçus une scène banale dont il émanait pourtant une atmosphère qui fit resurgir de lointains souvenirs de jeunesse. Des images d’une Martinique aujourd’hui disparue, images oubliées de la société d’habitation et des cases de travailleurs, se réincarnaient brusquement dans ces enfants sommairement vêtus qui se rendaient à une fontaine publique pour y remplir leurs seaux et leurs bassines.
J’eus l’intuition que ce village, habité d’une humanité simple, invisible, exigeait un regard plus profond que ne me permettaient les quelques maigres heures dont je disposais à ce moment. Je me fis la promesse de revenir à Canaries. (A suivre.)
Le poète a eu beau commander à son île d’exister, l’île a suivi sa pente sans parvenir à échapper à l’inexorable corrosion des sels avides et des vents amers. La dissolution invisible a commencé à une pointe oubliée de l’île, où tout un mode de vie perdurait on ne sait comment.
De débrouillardise en coup de main, le peuple de Nord-Plage pratiquait la richesse du dénuement. A l’abri des regards, Nord-Plage allait créole au monde. Les cochons y avaient encore leur dimanche.
Les murs moisis déclinent à présent une palette marine de bleus et de verts dont il est impossible de savoir si elle est l’œuvre de la main de l’homme ou du temps. Sous les feuilles de tôle et au milieu des fastes du temps-béton, Nord-Plage n’a jamais cessé de fraterniser avec la nature. Lové entre la falaise et la mer, Nord-Plage semble avoir émergé d’un dialogue entre les éléments.
La modernité elle-même n’a pu y introduire ses prestiges et ses facilités sans se plier aux rites incontournables du lieu. Ainsi les fils électriques en croix sont-ils venus prolonger le chemin de croix qui relie Nord-Plage au reste de l’île.
Aujourd’hui les cases et les ruelles sont désertes. Qui saura jamais les promesses perdues de ces ouvertures sans fenêtre ? Les tôles rouillées des toits ont rejoint le gris du ciel qui a gagné aussi la mer et les galets. Nord-Plage est retourné aux éléments. Nord-Plage a perdu son balan ! C’est ce cri perdu que ces photographies nous donnent à voir.
Guillaume Pigeard de Gurbert
Exposition ouverte au public aux Foudres HSE du lundi au vendredi, 9h30-12h30 / 13h-16h
Les Foudres HSE, Habitation Saint-Etienne
Gros-Morne, Martinique